L’utilisation de la messagerie professionnelle est souvent un des arguments utilisés par les employeurs pour justifier le licenciement d’un salarié.
Cependant, le grief tiré de l’utilisation de la messagerie professionnelle ne permet pas toujours de prononcer une sanction, et a fortiori un licenciement.
1/ Consultation par l’employeur de la messagerie professionnelle du salarié
En principe, l’employeur est libre d’accéder aux mails adressés par son salarié sur sa boite mails professionnelle dès lors que la consultation intervient depuis l’ordinateur mis à disposition par l’employeur, sauf disposition contraire du règlement intérieur (Cassation sociale, 18 octobre 2011, n°10-26.782).
La Cour de cassation retient que « les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnel » (Cassation sociale, 11 juillet 2012, n°11-22.972).
L’employeur est même en droit de demander au salarié de lui communiquer le mot de passe lui permettant d’accéder à la messagerie si elle est protégée (Cassation sociale, 18 mars 2003, n°01-41.343).
A noter, que l’employeur doit respecter les modalités de consultation prévues par le règlement intérieur (Cassation sociale, 26 juin 2012, n°11-15.310).
Ces règles s’étendent à l’ensemble des outils informatiques et notamment :
– une clé USB connectée à l’ordinateur professionnel (Cassation sociale, 12 février 2013, n°11-28.649)
– un agenda électronique (Cassation sociale, 9 novembre 2022, n°20-18.922)
– des fichiers stockés sur l’ordinateur professionnel (Cassation sociale, 12 février 2013, n°11-28.649).
2/ Secret des correspondances et respect de la vie privée du salarié
Même si les mails présents dans la messagerie professionnelle du salarié et non identifiés comme personnels sont présumés professionnels, l’employeur doit vérifier qu’il ne s’agit pas de mails à caractère privé.
La Cour de cassation rappelle en effet régulièrement que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, pour en déduire qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier son licenciement disciplinaire, sauf sil constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cassation Assemblée Plénière, 22 décembre 2023, n°23-11.330).
Il a ainsi été jugé qu’un mail ou courrier dépourvu de toute mention particulière révélant un caractère strictement personnel à sa lecture ne peut servir de fondement à une sanction disciplinaire (Cassation, chambre mixte, 18 mai 2007, n°05-40.803).
Récemment, la Cour de cassation a considéré que des messages racistes tenus en privés et non voués à être rendus publics ne pouvaient pas justifier le licenciement pour faute grave de son auteur bien qu’il s’agissait d’une messagerie professionnelle.
En l’espèce, aucun manquement à une obligation découlant du contrat de travail de la salariée ne pouvait être retenu (Cassation sociale, 6 mars 2024, n°22-11.016).
3/ Consultation des mails issus d’une messagerie instantanée
L’employeur ne peut, sans méconnaître le secret des correspondances, consulter les conversations tenues par un salarié sur une messagerie instantanée indépendante de sa messagerie professionnelle même lorsqu’elle est installée sur l’ordinateur professionnelle (Cassation sociale, 23 octobre 2019, n°17-28.448).
Néanmoins, la Cour de cassation a également jugé que l’employeur peut produire en justice, s’il n’a eu recours à aucun stratagème, des éléments du compte Facebook privé d’un salarié au soutien de son licenciement à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice droit à la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cassation sociale, 30 septembre 2020, n°19-12.058).
4/ Interdiction faite au salarié d’utiliser sa messagerie professionnelle à des fins personnelles
L’employeur ne peut pas interdire totalement au salarié d’utiliser sa boîte mail professionnelle à des fins personnelles, sauf impératif de sécurité.
Le salarié ne commet aucune faute dans la mesure où l’utilisation de la messagerie reste raisonnée.
5/ Cas particulier des salarié protégés
L’employeur doit veiller à ce que les outils informatiques mis à leur disposition préservent la confidentialité attachée à la mission des salariés protégés (Cassation sociale, 6 avril 2004, n°02-40.498).
Une prudence particulière doit bien sûr être adoptée en cas de consultation de la messagerie professionnelle d’un salarié protégé, au risque d’être qualifiée de délit d’entrave.
6/ Comment fixer des règles utiles ?
Il est conseillé de prévoir une charte informatique dans laquelle les règles d’utilisation des outils informatiques et boîtes mails pourront être précisées.
Les modalités de consultations des mails, notamment pendant l’absence du salarié, pourront être intégrées dans le règlement intérieur.